lundi 18 novembre 2013

Je travaille dans un collège (et c'est ma joie.)


Bouyah.
Deux mois et quelques sans articles.
Yeah.
C'est parce que j'ai un nouveau taff, un projet photo qui me prend du temps...
Et surtout un nouveau taff, en fait...

Je.
Travaille.
Dans.
Un...
COLLEGE!

(stupeur et cotillons.)

Bon, en vérité ma réaction première quand j'ai trouvé ce boulot, ça a été plutôt de cet ordre:
Plus jamais de fast food de toute ma viiiiiiiiiiiie!!!
Wiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!!!
J'aime bien les gamins (assez pour ne pas les éventrer quand j'en croise), et j'ai bossé déjà avec des p'tits du 93 (riprisente!), alors autant dire qu'un boulot consistant à aller surveiller les gamins du bled de Pipou sur Cambrousse, tranquille.
J'étais un peu très contente.

Et ya de quoi:
20h par semaines, environs 600 euros (pour étalonnage, quand je bossais à Kique (fameuse enseigne belge de fast food), je gagnais entre 370 et 450 euros pour un peu plus de 15 par semaines.), plus ou moins nourrie gratos (ça coûtent pas cher) avec des repas équilibrés et préparés sur place, 3 jours de boulot dans la semaine, week ends de trois jours...
Et la majeure partie de mon boulot se passe à surveiller, et me promener dans la cours pour vérifier que les gosses ne se croient pas trop au cirque.

Mais le boulot d'Assistant d'Education (mon titre) (moins royal que Queen of Bones) (sublime déchéance) (surtout qu'en fait, ça veut juste dire "suveillant", quoi) c'est pas que se balader dans une cours, et courir après des gosses.
C'est tout un univers, parfois très compliqué, souvent très humain, fatiguant, et qui demande beaucoup de recul.

Bien.
'Splication!

L'entretient d'embauche.

J'avais pas vraiment été préparée à ça, en fait.
Mes premiers entretiens d'embauches se sont passés avec mon futur employeur qui me décortiquait des pieds à la tête pour juger si le combo oreilles percées/cheveux était pas trop effrayant pour ses clients.
Bonne ambiance.

Là, je me suis retrouvée en face des deux CPE (le chef des surveillants, en gros, la personne qui régit toute la vie scolaire et qui fait le lien avec les profs) qui m'ont dit qui, bien, très bien, je suis grande, ça impressionnera les gamins, ensuite, ok, très bien, j'ai fait des colonies de vacance, c'est cool, et sinon, vous faites des études? Très bien, on vous aménagera vos horaires. A bientôt mon petit.

(A ce point du récit, j'ai des déclaration d'amour à faire.
1 - Vorace. Merci. Merci d'avoir passé mon CV mec, t'es le plus gentil des gloutons que je connaisse.
2 - Madame ma CPE, je t'aime fort, tu es le meilleur boss possible. J'aime travailler pour toi. )

En gros, dans mon entretient d'embauche, on m'a jugé sur mes CAPACITES.
Pas sur ma tête.

Faith in humanity, partially restored. Fine.


L'équipe :


Dans mon collège (qui est un collège de ZEP, c'est à dire Zone d'Education Prioritaire, un de ces petits surnoms que l'éducation nationale aime bien saupoudrer tout partout pour se donner des allures intellectuelles sous des dehors de hipster poussiéreux) (une ZEP c'est un collège dans une banlieue qui craint. Là c'est une ZEP de la campagne... hardcore.) donc, dans mon collège, il y a environs 11 surveillants, les coupaings et moi même, et deux Assistants pédagogiques, qui eux font faire leurs devoirs aux gamins et les aident à progresser dans les matières où ils ont du mal.
(Bonne chance à eux.)
(J'irai leur poser une gerbe en Novembre prochain.)

Au dessus de ça, il y a la super chef, donc, notre CPE principale, et l'autre CPE qui n'est là que 2 jours par semaines. Mais tant mieux qu'elle soit là, même deux jours par semaine sinon notre première CPE aurait fait une rupture d'anévrisme devant tout le boulot qu'elle a.
Ou elle se serait ouvert les veines avec du papier à lettres à en tête "Pipou sur Cambrousse".
Ce qui n'est pas Swag.

De l'autre côté, il y a les profs.
Et je dis bien de l'autre côté, parce que un bon 90% des profs ne savent ni comment on s'appelle, ni ne communiquent avec nous.
Ils en ont rien à taper, nous ne sommes pas détenteurs du sacro saint savoir. (Je me suis même fait grincer des dents dessus parce que je monte un atelier pédagogique pour apprendre aux gamins à faire du dessin animé.)
Mais tout les profs ne sont pas comme ça. J'ai des potes profs, et y'en a avec qui on discute bien

Au dessus de tout ça, il y a la Principale adjointe.
Dit aussi: Le Dragon.
L'hydre de Lerne.
La terreur des Jeunes de Pipou sur Cambrousse.

... Bon, en fait, elle est super gentille.
Mais avec les gamins, elle a ce genre de regard, vous savez...


Voila.
Celui qui les fait pleurer.

Et par dessus ça, il y a le Principal.
Degrés d'effreyance: Zéro.
Il est gentil. Moi j'l'aime bien.

Bref, plein de gens pour plein d'élèves. Parce qu'à Pipou sur Cambrousse, ya toutes les cambrousses du coin, genre, Radis sur Troupaumé, Pécore des Prés, et Chateau Moussu, qui envoient leurs têtes blondes.
Du coup, paff, 700 élèves.

D'un coup, comme ça, taktak.

L'emploi du temps:

 Bon, alors c'est facile, soit on travaille du matin, soit d'après midi, ce qui inclut trois études, une récré, et le temps du midi où tout le monde doit être présent, pour pouvoir occuper tout les postes.
Donc ceux du soir arrivent vers 11h, ceux du matin finissent à 14h.
Sauf le puni, celui qui fait 3/4 temps, et qui fait une journée de bureau, à courir derrière les absences des gamins.
Nécessité : nerfs d'acier et concentration de moine shaolin.

C'est important d'avoir le maximum de gens le midi pour éviter que les mômes ne fassent trop n'importe quoi.
Jeu auquel ils sont TRES forts.

Moi, en général, je commence l'après midi.
A 11h de l'après midi.
(en général, c'est la fin de ma nuit, je souffre.)
Le seul truc chiant de ce boulot c'est qu'il est à 1h et demi de route de chez moi. Le matin j'ai toujours un moment de découragement. Mais bon, après je me souviens que je ne vais PAS bosser au Domac, et alors, joie sur mon coeur.

Du le matin, prise de poste, je vais remplacer mon/ma collègue en étude pour qu'il/elle aille manger parce qu'il/elle a l'estomac dans les talons depuis 7h du mat en général.

Du coup, premier temps d'étude.

L'Etude...
Au début on pense que ça va être l'enfer mais après trois semaines on arrive même à bosser pendant les études.

Dans la grande salle d'étude, il y a 50 gamins.
Qu'il faut gérer, empêcher de bavarder parce qu'à 50 c'est pas possible, à qui il faut dire de se retourner toutes les 4 secondes parce qu'il ont la mémoire à court terme d'un poisson rouge sous THC...


Même Loki ne saurait bosser dans cette ambiance...
Mais moi oui.
Take that, sassy bitch.

Non, sérieusement, les gamins ne savent pas ne pas se retourner pour aller marquer un mot à base de Kiss Lol Swag dans l'agenda du copain de derrière.
C'est nul à dire, mais l'étude c'est un lieu où les gamins qui ont, genre, une heure de route pour rentrer chez eux le soir, peuvent bosser tranquillou, et pour garantir à tout le monde un temps de travail le plus calme possible, on est obligé d'être méchants.

Même les plus gentils d’entre eux n'ont absolument pas la notion d'autorité, et de respect.
Au début de l'année, quand la nouvelle équipe avec moi dedans est arrivée, ils nous tutoyaient et nous prenaient pour leurs grands copains avant d'aller fumer dans les toilettes.
Jusqu'à ce qu'on leur dise que, ahahah, non mais il est hors de question que tu allumes ta clope ici, mon petit, tu as 12 ans, rends moi ça, file moi ton carnet, heure de colle, zoupla, vous ne passez pas par la case "observation" vous ne gagnez pas les 2000 euros.

Non mais ho.

Il y a des trucs auquel il faut se faire quand on est surveillant, c'est que les gamins:
1) nous prennent pour des flics.
2) vont tester absolument TOUT ce qu'ils peuvent pour transgresser les règles.
3) si on est trop gentil, on a aucune autorité, et on se suicide parce que 700 gamins se foutent de notre pomme.

Perso, ça va, les gamins, non seulement, je suis pas particulièrement gentille et permissive, mais en plus avec l'uniforme: vètements noirs/grand manteau/cheveux rouges et rasés/ pas de sourire sur mon visage de sale gothique de merde, et bien, ils ont peur de moi.
Ce qui me va parfaitement.


Mais quand ils viennent me parler, en général ils m'aiment bien.
Du coup, ironie, je suis la surveillante la plus salope du collège, et je me suis récemment faite traiter de "surveillante la plus sympa".
J'ai ricané.

Bon, sérieusement, j'aime bien les gamins, mais des fois ils me consternent.
Mais ce n'est pas encore le propos.

Après l'étude, il y a :

La Cour.

Telle la cour des miracles, ce lieu où batifolent ces petits chéris est le lieu de tout les possibles.

Ils jouent à "trappe-trappe", se font des bisous, se rencontrent, se disputent, se réconcilient...
...
Fument dans les toilettes, essaient de se tripoter en cachette, se tabassent, tout ça tout ça.

Sans rire, ils passent leur temps à essayer de se taper dessus.
Mais genre, violent hein, à coup de pied-bouche, balayette, manchette, tartiflette, quoi.
Stupides.

On fait remplir des rapports d'incidents, comme chez les flics, quand y'en a qui se tapent dessus. Ouaih, comme les flics, ouaih.
Pour qu'ils se rendent un peu compte de leur bêtise à essayer de se casser mutuellement des dents toutes les cinq secondes parce que Jean-Eudes a traité la mère de Kevin-Rachid. (Et inversement.)
Ou parce que Claire-Fatima a pas voulu manger le dessert que Samantha lui a gentiment renversé dans la gueule "pour rire". "Ben ouaih c'est drôle, on est des coupines, madame."


The amount of your stupidity amases me.

 Et les rapports d'incident c'est aussi pour voir ceux qui ont tendance à taper, et à se faire taper.
Histoire de pas laisser trop les agresseur tabasser les gamins qui rentrent moins dans le rang.

Mais ils se tapent vraiment dessus tout le temps, à s'en ramasser la tête sur le béton.
Et nous, faut savoir qu'on ne peut pas les toucher.
Parce que procès, parents, pédophilie, blablablah. (Ce qui nous retient aussi de leur arracher la tête avec un bon high kick inversé dans leurs mâchoires de petit cons quand ils nous annoncent fièrement qu'ils se sont dépucelés à leur soirée trop arrosée chez Kevina-Rachida le week end dernier et qu'ils ont 13 ans et trois quart, presque quatorze, c'est comme si j'étais adulte, madame.)
Donc quand ils se tapent dessus dans la joie il faut user de toute notre autorité pour les faire bouger chez la CPE, où ils se prendront le savon de leur vie.

Screugneugneu.

Mais dans la cours, il y a aussi les couples qui se forment.
Joie.
Amour.
Paillettes.
Salives échangées à travers les appareils dentaires.

La même mais avec des jeans Diesel et de la bave.
Il faut savoir que la période de rut chez le collégien va de septembre à juin.
Du coup, dans la cour, c'est un peu amour gloire et beauté pour les surveillants.

Extrait choisi:
"-Ah tiens, Bob-Mouloud a une nouvelle nana.
-Oui, dis donc. Il sortait pas avec Sandy-Brenda?
-Ah nan, ça fait longtemps, au moins une semaine, il l'a largué pour se mettre avec Marie-Brittany.
-Oh, dur. C'est pour ça qu'elle pleurait sur l'épaule de Bob-Clarence, l'autre jour?
-Oui, mais aucune chance, il sort avec Myriam-Brigitte, et depuis deux jours c'est la meilleure amie de Marguerite-Stacy, la nouvelle copine de Bob-mouloud.
-Dommage.
-Ouaip."
(Quoi? On passe trois heures par jour à regarder des petit marcassins batifoler dans un espace clos, faut bien se distraire.)
(Oui, les marcassins c'est mignon, mais ça a un potentiel de destruction hors du commun. Du coup c'est approprié.)

Du coup on se marre bien.
Sauf quand ya des tentatives d'accouplement sauvage dans des lieux interdits.
(Genre, ya vraiment des lieux interdits, parce que 4 surveillants pour surveiller 700 schtroumpfs, bon courage. Du coup, genre, derrière les bâtiments au fond du bout du monde de la cour, non, ils n'y vont pas.)
Ils ont même élu un coin, près du gymnase, lieu officiel de roulage de pelle et frottage indécent.
Entre deux et quatre couples toutes les récrés qui se récurent les amygdales sous les air horrifiés des petits sixièmes qui doivent penser que le rituel pré-copulatoire s'apparente à de la spéléologie, et qu'ils n'ont aucune envie d'investir dans le matos, parce que la glotte béante devant eux leur donne envie de gerber.
Comme je les comprends.

Dans la cour, il y a aussi les pots de colle.
Les gamins qui sont tombés "amoureux" d'un surveillant et qui le suivent tel un banc de bébés canards.
Ou un troupeau de saumons, je ne sais.
Moi, j'en ai peu. Mais ça commence.
Les pots de colle ils te suivent partout et te racontent les feu de l'amour en épisodes condensés et incohérents, tout le temps, et te demandant si toi, tu penses que Kevina devrait pas mettre autre chose qu'un pull corail avec un legging vert.



(Pitié, laissez moi faire mes tour de cour tranquille, et aller emmerder Bob-Mouloud dans la joie d'une routine pépère qui m'exaspère autant qu'elle me réjouit.)
(C'est comme ça, moi j'aime bien aller faire chier Bob-Mouloud. Il avait qu'à pas dire qu'il "lui avait débridé le moteur à cette sale pute" en parlant d'une gamine de 4ème.)
(Ni menacer les petits pour aller fumer dans les toilettes, ou me prendre pour un jambon.)
(Grossière erreur. Maintenant il me hait, et moi je me marre bien.)
Et encore, s'il n'y avait que Bob-Mouloud...

Apparté:
Non, aucun élève ne s'appelle Bob-Mouloud ou encore Jean-Eudes.
Mais comme on a environs 50 Théo, 40 Matthéo, 12 Kyllian, 25 Léo, et autant de Léa... Bon... Bob-Mouloud... Voila quoi...
On a aussi des prénoms plus ésotériques, genre Merlin.
Mais envisageant sérieusement d’appeler mon premier né Loki, je ne dis rien sur l'originalité.
Par contre, j'aimerai bien voir le regard d'angoisse qui prends notre Ulysse à chaque cours en ce moment, vu qu'ils sont en train d'étudier la guerre de Troie.
:D
Hurkhurkhurk.
Fin de l'apparté.

Bref, pendant la cour, en général, je leur ouvre aussi la porte de l'étude, où ils rangent leurs sacs quand ils vont à la cantine. Histoire qu'aucun débile ne saute dedans.
Et donc, je passe mon temps à tenir la porte et à me fouler mon royal poignet parce qu'ils ont "oublié" leur carnet pour aller au foyer, ou qu'ils doivent "aller chercher un truc dans leur sac".
...
Genre un bonbon ou un portable. Ce qui est interdit.
(ouaih, les bonbons sont interdits. Déjà parce que 1 : ils ne finissent pas leurs assiettes, jamais, et c'est de la bonne bouffe, donc, ils vont pas se remplir avec du sucre.
2: la cour est déjà pleine de papier alors que c'est interdit, alors je te laisse imaginer le carnage autrement.
3: ya un certain nombre de gamins en "surpoids" (genre, gros), et on est pas là pour encourager l'obésité morbide de gamins de 11 à 14 ans.)
Et on se fait traiter de bourreaux d'enfants, et on ricane.

"-Vazy c'est la taule ici!"


Un collégien ordinaire.
(vue d'artiste.)
Bref, après avoir tenu la porte et regardé les feu de l'amour entre deux bastons, je vais manger.

Une demi heure de repos à parler des gamins avant de retourner s'occuper des gamins...
Heureusement que mes collègues sont sympas.
Une équipe entière avec qui tu peux te biturer (CPE comprit) c'est relativement rare.
J'aime mes collègues adorés, et je ne les échange avec personne.

C'est marrant d'ailleurs, parce que rare exceptions, y'a que des goths, des punks, et des rockers, dans cette vie scolaire.
Ce qui fait que quand les gamins nous balancent des "NAN MAIS VOUS AVEZ JAMAIS ETE JEUNE? VOUS SAVEZ PAS CE QUE C'EST QUE SE REBELLER ET LA LIBERTE!!"
(Jusqu'à la gamine qui va se graver (au compas et pas profond) le symbole de l'Anarchie dans la peau du bras, et porte les manches relevées pour qu'on voit à quel point c'est trop une rebelle de l'enfer.)




Nota Bene: je ne soutient en aucun cas l'acte de scarification, mais là il s'agit de se griffouiller le dessus de l'épiderme pour passer pour un badass. Certes, c'est dérangé, et alarmant, mais si on l'avait retrouvé avec des vraies cicatrices on l'aurait envoyé fissa chez le psy scolaire, on est pas complètement cons.

Bref.
Après une pitite clope de la fraternité avec les collègues, on retourne au taff.

L'après midi: 


Et là, bah, c'est soit les études, soit l'aide secrétariat.
Donc, les études, on essaie de lire un livre, de dessiner, de réviser, de faire ses scénars en gardant un oeil sur 20 à 50 hooligans en culotte courte qui viennent parfois demander de l'aide pour leurs devoirs.

Et là je me dis que comment what the holy fucking shit se fait-il que ces gamins ne savent pas écrire ou parler correctement.
Bon, rendons leur justice, il y en a bien 40% qui peuvent comprendre un texte et écrire sans trop oublier la notion de conjugaison et de rythme de phrase (début = majuscule, fin = point) (ne riez pas, cette notion n'est pas toujours acquise.) (même en 3è.) (oui mdame.). Selon les classes. Rarement plus, souvent moins. Bref.

Mais par exemple, dans les fameux rapport d'incidents:
(morceaux choisis)
"Et alor il ma trété de tou un ta de gromos."
"Y ma donné un coude pier." (coup de pied. Ouaih.)
"j'été de haur." (dehors.) (oui.)


Et encore, le support internet vous épargne la graphie.
Mais je vous assure qu'on est souvent obligé de lire à haute voix pour comprendre.

J'ai quelques perles aussi.
En anglais:
"He eat avec a girl." ("Non mais je savais pas comment on dit avec. Alors je l'ai mis en français.") (classe de 4è)(je passe sur le manque de s à la troisième personne, on est bien au dessus de ça.)
Traduction de" La jeune fille a prit son sac."
= The young girl take your bag.
"-Mais, Jean-Bob, pourquoi "your"? "
"-Bah, c'est le possessif..."
"-Suis-je bête."

Entre ça, et une classe entière de 3ème qui me demande ce que veut dire le mot "décent", une gamine qui vient me demander (très sérieusement) si je peux confirmer à ses camarades que l'Irlande est un département Français ("Non, Kevina, pas à ma connaissance..."), des fois, les bras m'en tombent.

C'est pas comme si c'était des cas rares, là.
Genre, des fois, des classes entières ne bitent pas un mot de ce que je leur raconte.
Tristesse, rage et désespoir.


"-Madame ça veut dire quoi enfanter dans la douleur?"
"-Ca veut dire accoucher, enfanter."
"-Oui, mais la phrase, ça veut dire quoi?"
"-Accoucher dans la douleur, Edouard-Rachid."
"-Oui, mais, dans la douleur, ça veut dire quoi?"
Bref...
Les profs deviennent fous, les gamins ne savent pas qui est St Exupéry en sortant du collège, ni où se situe l'Angleterre sur une carte, mais tout va bien...
Et dire qu'on prenait ma génération pour une génération foutue...

Ensuite, l'aide bureau, ça consiste souvent à aller en courant d'un bout à l'autre du bâtiment, (qui est grand) avec des papiers à amener aux profs.
Où à essayer tant bien que mal de ramener en cours des gamins qui ont "mal à la tête, au bras, au coude, au petit doigt".
Les stratagèmes pour ne pas aller en cours sont super...

Et puis, les gamins qui n'ont pas de référents chez eux, et pour qui on est en quelque sorte leur référent de substitution.
Ceux là me fendent le coeur, mais on ne peut pas les laisser dans la vie scolaire. Parce qu'on est pas des éducateurs ni des parents, on est juste des étudiants qui n’avons pas les épaules pour ça. Pas du tout.

Il y a pas mal de misère humaine, et leur lots de gamins perdus.
Entre celui qui a perdu sa mère et qui vire à l'autisme tellement il se renferme, celui qui règle tout par la violence, etc, etc...

Le collège est un microcosme avec ses règles, ses lois, ses gangs...
Là bas, ce qui règne c'est la loi du style. Les fringues, les fringues, les marques, le "swag", les motifs à afficher absolument, les mini crêtes, les coiffures comme les chanteuses ou les footballeurs...
Et la dictature du style est féroce.
Même les 6èmes, s'ils veulent avoir la paix doivent céder (et faire céder dans des craquements d'agonie sinistres les portefeuilles des leurs parents.) et la cour est plein de mini-adultes trop sérieux qui parlent des fringues de leurs "idoles" de télé réalité.
Ils portent tous le YMCMB sans jamais avoir écouté de morceaux du collectif, et pensent que Denim est une marque de jean.
Ils ont tellement tous des eastpack noirs que tout les jours, au moins deux élèves vont pleurer à la vie scolaire parce que leur sacs ont été échangés et ou /perdus dans la masse des autres eastpacks noirs.
Les filles ont toutes la frange du même côté que c'en est effrayant.


D'accord, c'est rigolo de regarder des gamins pleurer parce qu'ils ont perdu leurs sacs qui se ressemblent tous, mais après tu te rends compte à quel point ils ont pas de personnalité, de goûts propres, qu'ils écoutent/regardent tous la même chose.
Le matin quand je prends le bus, j'ai des lycéennes à côté de moi qui vont au lycée d'à côté.
Ben les lycéennes, elles me font pas marrer quand elles se passent leurs écouteurs à coup de "tiens, j'ai téléchargé cette musique" "qu'est-ce que c'est?" "je sais pas, mais c'est bien, c'était sur nrj, faut que je télécharge des musiques, ya plein de nouveaux trucs à la télé."
Ils ont PAS d'artistes préférés.
Je rigole pas.
Ils n'ont pas de groupes, ou de chanteurs qu'ils aiment.
Ils kiffent une chanson tout les quinze jours le temps que ça fasse le buzz et que ça disparaisse. Et après ils passent à autre chose, et quand on leur parle d'un album sortie ya six mois "oh c'est trop vieux ça madame, c'est même pas à la mode!!!"




Ils ont pas non plus envie de faire des boulots.
Ils veulent juste "gagner de la thune".
Je veux dire, oui c'est normal, moi aussi je veux gagner de la thune, mais là, quand même, ya de l'abus...
Ils ont pas de métiers idéaux, pas de rêves, pas envie de faire quoi que ce soit.
Parfois, je suis triste quand je les écoute.
Parce que je sais comment on en est arrivé là, et que je sais que le pourcentage qui est intéressé, brillant, ne survivra pas au diktat de la culture de masse qui les exclut et les traite comme des freacks.

Oui, j'aime mon boulot.
J'aime mon boulot parce que j'en ai chié.
J'aime mon boulot parce que je sais que je sers à quelque chose.
Mais parfois, j'ai peur. Si j'avais un souhait à faire, c'est que toutes les télés du monde se pètent, qu'on ai plus de youtube, de téléphones portables, de facebook et d'instagram, de télé réalité, et que ces gamins puissent ouvrir ni serait-ce qu'un livre qui leur fasse voir autre chose que leurs jeans, leurs guéguerres de style, et leurs "gangs" des bacs à sable et aspirent à plus grands, parce qu'ils en sont capables.